Paris, le mardi 21 août 2018 – Début juillet, le procureur de laRépublique de Strasbourg Yolande Renzi, ouvrait une informationjudiciaire pour non-assistance à personne en danger après le décèsde Naomi Musenga qui en dépit d’un appel désespéré n’avait pas puobtenir l’aide immédiate du Samu. Le procureur faisait savoir que,selon les premiers résultats de l’enquête, la jeune femme avaitprobablement succombé à un surdosage de paracétamol.
Cette précision avait déplacé la polémique associée à la mort dela jeune femme, concentrée primitivement sur les défauts derégulation du Samu, vers une nouvelle réflexion sur la dangerositésupposée méconnue du paracétamol. Bientôt, ressurgirent desarticles périodiquement diffusés sur la toile alertant sur lesméfaits de cette molécule (comparativement à des qualitésminimisées).
Tant les circonstances du décès de la jeune femme que cetteagitation médiatique n’ont pu échapper à la vigilance de l’Agencenationale de sécurité du médicament (ANSM) qui n’a pas pu manquercette nouvelle occasion de défendre un cheval de bataille quil’anime depuis plusieurs décennies : le renforcement des messagesd’alerte et de sécurité concernant le recours au paracétamol. Ellea ainsi obtenu qu’aujourd’hui « toute publicité » pour unmédicament contenant du paracétamol, « à la radio ou à latélévision » mentionne oralement « Attention aux risquespour le foie en cas de surdosage ». Aujourd’hui, l’ANSMsouhaite aller plus loin avec l’apposition d’un message du type «Surdosage = danger » sur toutes les boîtes de médicamentcontenant du paracétamol, éventuellement assorti d’un pictogramme.Afin de déterminer la pertinence et les modalités d’une telleaction, une consultation publique vient d’être lancée qui doits’achever à la fin du mois de septembre. Les internautes sontinvités à s’exprimer sur d’une part la nécessité selon eux de cetype d’avertissement et s’ils le jugent nécessaire sur sa formeidéale.
Alors que l’automédication est en constante progression (et quele paracétamol reste en la matière un produit phare) et que lesrecommandations des pharmaciens pourraient ne pas êtresystématiques (comme certains tests d’associations de consommateursl’ont mis en évidence), ce renforcement de la prévention paraît sejustifier. La méconnaissance des méfaits associés au surdosage deparacétamol dans la population générale a en effet étérégulièrement mise en évidence. Ainsi, une étude publiée dansThérapie en septembre 2017 (Lauriane Cipolat et coll, Université deNancy), conduite auprès de 819 patients de la région messine,révèle que seuls 17,9 % avaient une connaissance satisfaisante desdangers de surdosage, tandis que 20,3 % pouvaient être considéréscomme à risque de surdosage. « Le risque de toxicité hépatiqueétait particulièrement méconnu. La prévalence des patients à risquepotentiel de surdosage involontaire était estimée entre 1 et 2 % dela population » résumaient les auteurs.
Si de tels résultats confortent l’idée d’un nécessairerenforcement des avertissements, l’alarmisme est à éviter. Celui-cin’est pas loin quand certains articles assurent que « lesurdosage au paracétamol est la première cause de greffehépatique ». Il s’agit d’une confusion entre greffe hépatiquetoute cause confondue, et greffe pour hépatite fulminante.Concernant ces dernières, la part des intoxications au paracétamoldemeure par ailleurs difficile à déterminer. D’une manière générale« La fréquence des hépatites fulminantes et sub-fulminantessemble diminuer (vaccination anti-virale B, hygiène, connaissancedes médicaments toxiques) et cette indication représenteactuellement moins de 10 % des transplantations » précisel’Agence de biomédecine. Par ailleurs, si elle est une causeimportante d’hépatite aiguë, l’intoxication au paracétamol conduitmoins fréquemment que les autres étiologies à la transplantation,le pronostic étant souvent plus favorable.
Enfin, ce renforcement ne doit pas faire croire à un défautd’action précédent. Les restrictions ont été très nombreuses enFrance, qui a notamment été le premier pays à avoir limité la dosede paracétamol par boîte. Cette vigilance, associée au fait quecontrairement à de nombreux autres pays occidentaux la vente demédicament est réservée aux officines, explique que bien qu’étantun des plus gros consommateurs de paracétamol notre pays ne connaîtpas les mêmes phénomènes d’intoxication que ceux constatés auxEtats-Unis ou en Grande-Bretagne. Une étude comparative publiéedans le British Journal of Clinical Pharmacology en 2015 avaitainsi mis en évidence qu’il n’existe aucune corrélation entrele nombre d’overdoses et les quantités de paracétamol vendues selonles pays.
Pour participer à la consultation publique organisée parl’ANSM : https://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Paracetamol-l-ANSM-lance-une-consultation-publique-pour-sensibiliser-les-patients-et-les-professionnels-de-sante-au-risque-de-toxicite-pour-le-foie-en-cas-de-mesusage-Point-d-Information
Aurélie Haroche